La petite en moi

Tu viens ma grande, on va jouer.
Allez, s’te plaît… c’est toujours tellement sérieux !
Moi je veux dégringoler sur les balustrades,
me rouler comme un tonneau dans l’herbe.
Oui, je vais me salir, et tout éclabousser de boue
et toi tu ne seras pas contente,
car tu te concentres plus sur la boue que sur les éclats de joie.

Allez ! viens danser.
Mets de la musique ; celle qu’on aime, qui nous fait virevolter.
Que ça swingue, que ça nous fasse tout oublier.
Je veux me griser, avant que tous tes cheveux soient gris.

Viens, sortons veux-tu,
dans l’air pur, sous le soleil, sous la pluie,
au jour levant, à la nuit tombée.
Et ne rentrons pas trop vite.
On s’assoira contre les arbres, on regardera les feuilles mordorées voltiger,
et le lointain offert à nos yeux émerveillés.

Allez ! pause. Récréation !
Arrête de penser, de ruminer, de te traîner, de t’efforcer.
Tu as déjà tant fait.
Si tu me laissais faire.
Ce serait amusant, divertissant.
Tiens, allons manger une glace avec plein de chocolat chaud.
Laisse tes mails et tes mailles à partir.
Moi, j’aime le léger et le gai.

Pare-moi de ta plus belle robe.
Bon je sais, tu n’en as pas.
Alors une jupe fera l’affaire.
Et de bons gros collants.
Des moufles et un bonnet.
On va voir Saint Nicolas, et puis le Père Noël,
et puis Jésus bébé si tu veux.
C’est beau Noël tout illuminé.

Chouette, tu vas m’emmener à la mer.
Moi j’adore courir par-dessus les vagues
ou aller juste au bord sans me faire mouiller.
Regarder les mouettes et les petits oisillons blancs qui galopent sur la plage.
Le vent du large salé et iodé,
les dunes toboggan qui surplombent tout,
mirador parfait pour voir beaucoup plus loin que le bout de son nez,
jusqu’aux côtes d’Angleterre.
Vive les vacances !

Tu en as fait assez.
Stop ! s’te plaît… faire rien, ça me va.
Un peu de bon temps pardi !
Sinon, je pars en guerre,
comme les Trois Mousquetaires.
Et tu peux bien aller chercher ma cape et mes épées.
Gare à toi ! Tu l’as cherché.
Ou bien je boude et tu vas voir le carnage.

Allez ! ma douce, regarde-moi.
Aime-moi, laisse-moi la place.
T’en fais pas ! Ce ne sera pas si terrible que ça.
Juste un peu de vie, un brin de folie,
des galipettes et des risettes.
Je suis jouette moi et très espiègle.
Coquine à souhait,
aventurière à gogo.
Allez go ! laisse-moi te mettre KO.
T’emberlificoter, te papouiller, te tarabiscoter.

Tu m’as laissée croupir dans le fond d’un placard,
je sens le moisi, le renfermé.
Oh oui ! un bain pour me bichonner,
de l’oisiveté pour me remettre sur pied,
dans le creux de tes bras.
Je pèse pas lourd, tu le sais.
Mais on a toujours besoin d’une plus petite que soi.

Alors conquise ?
Dame marquise.

J’ai un p’tit cadeau pour toi dans mon dos.
Non ! peux pas regarder.
C’est une surprise.
Faut fermer les yeux.

Et la petite tend un petit bâtonnet sur lequel tient vaillamment une énorme boule multicolore et duveteuse de barbe à papa.
Elle me dit d’approcher les lèvres.
Alors, ensemble, elle d’un côté, moi de l’autre, on s’y engouffre suavement pour se retrouver scellées par un baiser sucré.

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